
Koffi Olomide: Ndomboro ya soro...
Juste quelques libres propos de ma tete a la plume...
Oui, Koffi devrait faire un concert de harambe pour aider les femmes violees.Oui, Koffi devrait etre plus sensible et plus patriote. Oui, Koffi est artiste et pas politicien. C'etait le raisonement des compatriotes fanatiques de l’artiste. Par contre les intellectuels critiques, accepter son geste. Tout au plus pensaient-ils qu'Il aurait du instrumentaliser sa musique pour collecter des fonds et aider les femmes violees. M'enfin, il aurait du etre plus sensible ou patriote mais bon il est artiste et pas politicien. Vous blaguez!!!!
Qu'est-ce que l'art? De quel art s'agit-il? On peut bien aller faire un concert devant les fours crematoires ou les chambres a gaz de Hitler et se dire qu'on est pas politicien mais artiste et en cela on a raison en fonction de son jugement personnel. mais justement il s'agit de jugement politique, de l'entendement au sens kantien. C'est vrai, apres tout, Koffi n'est ni militaire ni politicien; c'est un troubadour qui amuse les publics en serinant quelques ballades moyennant des sous. Le reste c'est l'affaire des politiciens. A chacun son metier!
Non, je ne l'ai pas condamne. Je deplorais plutot une naivete et une ignorance qui m'ont fait peur parce qu'elles relevent effectivement de l'absence de pensee.Croire que l'ampleur du drame congolais se reduit a du patriotisme, a de la sensibilite ou plus grave en attribuer le tort ou la responsabilite aux seuls politiciens c'est cela qui m'effraie. Cela s'appelle la banalite du mal, longuement analysee par Hannah Arendt a la suite de Kant.
Eichman dont parle Hannah Arendt etait simplement un citoyen quelconque, un rouage dans la machine nazi. Il remplissait consciencieusement sa tache en bon fonctionnaire. Il n'etait ni Hitler, ni Rommel, ni rien de ces cadres allemands... Il etait comme ce genre de personne qui se disent artiste, cultivateur et non pas politicien ni militaire. Mais l'artiste c'est juste des chants et rien de plus? Et le cultivateur juste des pommes et rien de plus ? Toute l'humanite se reduit-elle a sa fonction, aux besoins primaires etc?
Et c'est la que Koffi me desole: une carence effrayante de reflexion, une etroitesse de vue et d'appreciation qui rend aveugle et inhumain sans s'en rendre compte. ce n'est pas une affaire de sensibilite: c'est un aveuglement de l'entendement. Limite et volontairement obtus, on s'en tient la. On n'y peut rien. Le succes, l'argent, le cadre etroit de son deploiement existentiel appauvrit et raccornit les dimensions interieurs d'humanite. Et il y aura toujours des raisons pour justifier cet 'etiage'.
Inconsciemment, il parle de stade, de billet, de l'hotel, de personnalites politiques, de Nkunda etc... Il ne se rend pas compte du prejuge social et de distorsion dans lesquels sombre sa maniere de nommer la realite, d'organiser son discours pour justifier ses actes. On y voit une description naive avec des criteres superficiels du langage economique, du chiffre mediatique, de la propagande politique. Pas un recul face a l'evenement, pas une reflexion seconde sur la guerre, pas une consideration sur sa production musicale en temps de detresse ou de sa propre humanite dans une situation de catastrophe. C'est le langage banal de fans, de visa accordé, d'une concepton irénique de la paix etc... Encore une fois, on se rappelle la critique du jugement de Kant ou les oeuvres de Franz Kafka. Ou situe-t-il la genese anthropologique? C'est là tout le drame non seulement des politiciens, meme des artistes, des eveques, de moi aussi au point que j'ai renonce d'y penser vraiment. C'est un abime sans fond, le drame congolais et Dieu seul sait ce qui se passe avec cette invasion rwandaise legalisée...
Non, le patriotisme n'est qu'une forme politique de médiation de ses allégeances depuis la natalité. Au-dela de ces appartenances, il y a le patrimoine d'humanite que l'artiste, bien au-dela des frontieres linguistiques, geographiques etc... experimente avec une gravité a la mesure de son talent. Ce qui est en jeu dans le drame congolais, c'est la distinction des frontieres entre le 'ciel' et 'l'enfer', le tolerable et l'inadmissible, l'injustifiable.
Si on limite le drame congolais a la politique politicienne, la on sombre dans le cloisonnement au niveaux des faits et non pas de valeurs qui leur donnent une quelconque signification. C'est presque l'absence de réflexion sur la responsabilité ou l'engagement a differents niveaux. Pensons un peu La Peste de Camus. Ce n'est pas une question de fundraising pour soulager des miseres ou de sensibilite sur des misereux ou de patriotisme qui le dresserait contre les Rwandais dans un jeu de miroir affolant.
C'est Mitterand qui disait que la souffrance d'un seul fait e tour du monde et l'atteint a la jointure des poumons. Rwandais ou Congolais, on n'est plus dans ces distinctions qui sont des accidents de l'histoire. Pour l'artiste, la souffrance n'a pas de couleurs. Je ne le condamne pas d'etre alle au Rwanda. Il pouvait aller meme a Kampala ou a Rutshuru c'est la meme chose tant qu'il reste prisonnier d'une imagerie de saltimbanque dans les oeilleres d'une thematique musicale a l'eau de rose.
Certains ont deja contemplé La Guarnica de Picasso, ou tu a deja lu les ecrivains comme Primo Levi ou Soljenyitsine ou plus simplement la musique d'un Bob Marley. A moins de faire du dadaisme... l'art n'est pas une neutralité glauque à l'écart d'une humanité dont la politique prendrait le monopole. Ce qui est en jeu dans la situation congolaise c'est plus qu'une question de frontieres, de ressources naturelles, de femmes violees etc...c'est pour utiliser le langage apocalyptique de la bible l'horreur du mal, c'est l'abime des profondeurs humaines, le cataclysme des Etats en faillites et des societes en decomposition... Et on attendarit d'un artiste une vision plus dense. Pourtant, une societe se meurt quand il manque ces visionnaires qui anticipent, qui voient le mal dans toute son ampleur et tirent la sonnette d'alarme. Et dans certaines societes, justement l'artiste est plus prophetique qu'un politicien...
Quand j'evoque sa naivete et son ignorance qui me font peur c'est pas une question de patrie ou de sensibilite psychologique a un drame social. C'est plutot cette absence de lucidite sur ce qui fait l'homme, la societe.... ce n'est pas son egoisme qui n'est au fond qu'un reflexe naturel a tous les hommes. C'est plutot un raisonnement superficiel, une banalite deconcertante etc... Et meme le journaliste qui l'interrogeait ne possedait meme pas une information adequate pour etablir les faits reels dans cette imbroglio de guerre etc... Et apparremment, tous on baigne dans cette ignorance crasse malgre la masse d'informations qui inonde nos boites mail. C'est un echeveau difficile a demeler...
On a lu la poesie d'Holderlin par exemple. On n'a pas besoin d'etre diplomé ou erudit pour penser deep. C'est davantage une meditation sur les enjeux reels au-dela des apparences et des illusions du pouvoir. Pourquoi certains dictateurs craignent les artistes? Pourquoi un Vaclav etait plus redoutable qu'une milice? Un art qui se cantonne a la fonction ludique, un artiste qui compte sur les billets verts de ses fans, une distinction factice de l'art et de la politique, un patriotisme qui se definit comme un dressage contre les 'allochtones' (si le mot existe), une sensibilite qui se console dans quelque geste de commiseration etc... autant de manieres de voir qui font probleme. Pour finir, qu'est-ce qu'un leader d'opinion ?
Karma-Yoga