Lac Kivu - Ville de Bukavu - A l'Est de la RDC

The perspective of eternity is not a perspective from a certain place beyond the world, not the point of view of a transcendant being; rather it is a certain form of thought and feeling that rational persons can adopt within the world (John Rawls).



Sunday, October 5, 2008

LA GUERRE DU SENS: REFLEXIONS SUR LES MEDIAS ALTERNATIFS



Stand for what you believe





La Guerre du Sens: Reflexions sur les medias alternatifs
A propos de la region des Grands Lacs, des informations de tout genre sont données sur tous les espaces médiatiques. Leur provenance est aussi variable que les options à partir desquelles ces événements régionaux sont lus. On peut ranger ces médias sur plusieurs catégories: il y a les médias occidentaux avec ses clichés et ses poncifs sur les conflicts ethniques, la faillite de l’Etat et tant d’autres vérités déjà entendues. Il y a les médias Congolais et Rwandais. Les premières évoquent la thèse de l’agression, de l’ingérence et élaborent un discours à la limite de la complainte. Les autres brandissent l’argument de la sécurité et évoquent à en perdre coeur la thèse du génocide. A coté de ce 'mainstream', il y a des organisations internationales de droits de l’homme ou de conflict management qui tentent de donner la version de faits selon leur schema d’analyse. Dans ce babel d’informations,le lecteur se perd dans la dédale d’explications. Mais cela ne suffit pas. Par la magie des médias, il existe de plus en plus des sites et autres liens donnant les nouvelles avec une liberte offerte par ce boulevard d’informations mais parfois au détriment de cette profession dont le mérite dépend du respect de sa déontologie.
Cette dernière catégorie d’information a attiré notre attention. Au-delà des critiques qu’elles offrent, au-dela des exces, du radicalisme et du parti-pris qu’elles affichent, elles semblent etre soit une aberration soit un genre nouveau d’information dans un contexte où la quete de vérité en théorie comme en pratique ne semble pas aller de soi. Nous voulons bien porter un regard critique sur cette dernière catégorie d’informations.



1. Guerre du sens et sens de la guerre.


Les criteres ethiques du journalisme professionnel sont bien vrais. mais sont-ils suffisant pour rendre credibles une information aujourd'hui en RDC ? Car il faut bien prendre conscience que nous sommes dans un contexte d'anomie sociale. Nous ne disons pas qu'il faut accepter tout ce que les medias ecrivent. Nous pensons plutot que dans la situation exceptionnelle du Congo (contexte de guerre), les concepts de verite, de realite, de norme sont a construire. L'objectivite des faits que tu evoques n'est pas donne d'emblee; elle est est un horizon de sens a approcher par diverses voies. Un fait est ce qu'il est. Mais pour le dire, il emprunte plusieurs mediations langagiaires selon la position des interlocuteurs. Et c'est alors que les ideologies, les 'intentions' cachées orientent les discours. Et c'est ici que la guerre de sens prend son ampleur On crée des concepts tels que rwandophone, minorite, genocide, femicide, delit de facies etc… Leur sens varie selon la charge emotionnelle qu'ils charrient.

On evolue ainsi dans un contexte ou les referents culturels, les instances legitimatrices 'begayent', perdent leur pouvoir d'accreditation et invitent a debroussailler dans un maquis de sens. Nous avions ete pendant une annee a Bukavu a la radio diocesaine Maria Malkia pour une petite emission de samedi ('Congo Forum) avec Mr Eric Kajemba. Nous nous souvenons de toutes ces theories de la communcation dans un contexte de conflit (cognitive dissonance, projection bias, selective attention, bullet theories of effects (les effets de sens, si l'on veut) etc...

Plus simplement, voyons comment autour des annees 90, la radio-trottoir a Kin a remplace les medias officiels devenus caisse de resonance du regime mobutien a la derive: ils ne mentaient pas sur toute la ligne malgré la faiblesse 'scientifique' de leur information; les parlementaires debout donnaient l'information peu objective mais ils repondaient a une urgence sociale d'eveil democratique. Un militantisme que l'on peut condamner mais l'important c'est de percevoir a temps ces innovations sociales et ce qu'elles apportent.

2. Vigilance critique.

Ces medias alimentent l'espace public et n'apportent peut-etre que des commerages. C'est fort possible. Il est evident qu'il manque de bureau, de reporter etc… Il est evident qu'ils versent dans un catatrophisme alarmiste qui fatigue et suscite plutot le doute et la mefiance. Encore une fois, il faut le placer dans le contexte de collusion et de collision. On comprendrait alors la dimension psychologique de leur texte (toute la difference a faire entre le 'soft news' d'un show de Oprah, la depeche militaire d'un General au front, les discours d’un Ministre de l’Information en pleine periode de guerre en aout 1998 etc...(Framing theory etc...). Caton l'Ancien finissait tous ses discours par un paragraphe 'alarmiste' avec ces mots :'delenda carthago'. L'exemple vise simplement une chose: la politique editoriale d'un organe de presse oriente ses analyses malgre la variete des 'journalistes'. Apparemment, il y a des organes qui tentent d'eveiller l'attention des Congolais sur ces questions de nationalite, de pillage, de patriotisme, de nationalisme etc... Comme les differents sites des compatriotes Congolais de la diaspora... On peut les accuser de raconter des salades, ou de manipuler l’opinion des internautes ou de tomber dans des derapages a denoncer. S'il est admis qu'ils ne mentent pas sur toute la ligne, alors il ne faut pas jeter le bebe et l'eau du bassin.

3. La verite est une question de pouvoir.

Collin Powell a lu un texte bien redige, avec des chiffres impressionants sur les armes de destruction massive en Irak. Son serieux aidant, il a pu convaincre le monde, a quelques exceptions près. Qui pouvait croire que c'etait des mensonges ? La CIA ne manquent pas d'investigateurs 'professionnels', des specialistes de l'information, de l'espionnage et du contre-espionage, des strateges de tous bords. Il ne leur manquent pas de bureaux, d'antennes, des agents visibles ou invisibles etc... Encore une fois, nous sommes dans un contexte de conflit international et du role que l'information donne aux decisions politiques. Les trois 'tamis' y perdent leur pertinence epistemologique. La manipulation ideologique echappe superbement a ces criteres.

L'opinion publique se cree. On a donc vu des journalistes 'professionnels' maquiller les faits, proferer des louanges sur la democratie au Rwanda avec des sources exactes, des chiffres economiques vraisemblables, des interviews impressionnantes et dans tous les sens etc...Nous pouvons analyser la maniere dont le genocide rwandais est presente. Et a cote de ce battage mediatique reussi, les analyses pertinentes, le journalisme d'investigation d'un independant comme Charles Onana, Keith Harmon ou David Barou etc... ont peu d'echo. Pourquoi ? Ils ont sans doute des adresses exactes mais peut etre pas de bureau, ni de budget consequent. C'est sur des blogs, des 'mini-sites' que nous recevons de portions de verite, des revelations qui nous laissent desempares. Ceci n'est pas dit pour credibiliser tous les textes des coupagistes . C'est juste pour attirer l'attention sur cette forme d'information facilitee par l'internet et ravivee par ce contexte de violence. Si l'on y est attentif, on y decouvrira, outre l'anatheme qui la condamne, des "heterotopies" (M.Foucault) souvent produites par d'autres manieres de dechiffrer les evenements.

En des mots plus simples, il s'agit de considerer ce journalisme comme une forme de discours inedite mais qui est porteuse de sens.Citez moi seulement un seul Etat en ce 21 siecle qui a eu 4 vice-presidents. C'etait une monstruosite juridique pour certains et pour d'autres une innovation politique par la force des choses. Il en est ainsi de ces organes.Nous sommes a un tournant historique ou des nouvelles pratiques sociales prennent jour. Il faudrait plutot theoriser ces formes d'architecture verbale ou 'scripturale' pour evidememnt en mesurer les limites mais peut etre aussi pour saisir la productivite poetique de leurs contradictions, de leurs lignes de fracture, de leurs exces.

Mon objection semble theorique.Mais en fait, elle pose la question non pas de savoir ce que font les ennemis ou les amis du Congo mais celle de notre capacite de transgression epistemologique cad de changer les criteres, de forger des concepts, de re-enchanter notre imaginaire social pour liberer la parole, debloquer l'inventivite sans sombrer dans la folies des langages. Quand allons-nous faire admettre au monde entier les 'genocides' ou les 'femicides' congolais auquels nous assistons impuissants ? Quand allons -nous theoriser l'holocauste congolais de Leopold II avec ses dix millions de morts ? Ici, on bute aux vocables; on tombe dans le piege de la comparaison; on soupese les maux et selon les affinities electives on noircit un tableau pour donner plus d’eclat au linceuil blanc de l’autre.

Il y a bientot douze ans (1996) , les medias favorables aux rebelles annoncaient la chute des villes bien avant l'arrivee des troupes de l'AFDL. A Kinshasa, nous nous interrogions sur le sens de cette guerre de l'Est. Nous balayions du revers de la main les informations 'bizarres' sur des accords de Lemera, sur des rebelles erythreens, lumumbistes, tutsi... un melange du tout. Plus tard, nous comprimes que nous etions bien deja dans une guerre de sens comme signification et orientation. Cet organe 'confidentiel' avec ses mythologies et ses 'revelations' sensationnelles' nous invitent simplement a prendre conscience de l'envers de la realite.
Karma-Yoga